Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/21

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– Non, dit-il d’un air plein de ruse. Pas de lumière dans ma maison.

– Parfait, monsieur. L’escalier est-il bon ?

– Magnifique. Et, comme je m’en allais : Tenez-vous au mur, ajouta-t-il, il n’y a pas de rampe. Mais les marches sont excellentes sous le pied.

Je sortis dans la nuit. Le vent gémissait toujours au loin, bien que pas un souffle n’en parvînt au château de Shaws. Il faisait encore plus noir que tantôt ; et j’eus soin de longer le mur qui me conduisit à la porte de la tour d’escalier, à l’extrémité de l’aile inachevée. J’avais mis la clef dans la serrure et lui avais donné un tour, lorsque soudain, sans bruit de vent ni de tonnerre, tout le ciel s’illumina d’un vaste éclair, et les ténèbres se refermèrent instantanément. Je dus mettre la main sur mes yeux pour me réhabituer à l’obscurité ; et j’étais en fait à demi aveuglé lorsque je pénétrai dans la tour.

Il y faisait si noir qu’il semblait impossible d’y respirer ; mais, tâtonnant des pieds et des mains, je heurtai le mur et la marche inférieure de l’escalier. Le mur, au toucher, était de pierre lisse ; les marches, elles aussi, bien que hautes et étroites, étaient de maçonnerie polie, et régulières et fermes sous le pied. Me rappelant la recommandation de mon oncle au sujet de la rampe, je longeai la paroi de la tour, et m’avançai à tâtons, et le cœur battant, dans l’obscurité de poix.

Le château de Shaws avait cinq bons étages de haut, sans compter les mansardes. Néanmoins, il me sembla, en avançant, que l’escalier devenait plus aéré, et une idée plus éclairé ; et je me demandais quelle pouvait bien être la cause de ce changement, lorsqu’un deuxième éclair de chaleur s’illumina instantanément. Si je ne poussai pas un cri, ce fut parce que la terreur me serrait à la gorge ; et si je ne tombai pas, ce fut plutôt par l’intervention du Ciel que grâce à mes forces. Car non seulement l’éclair brilla de toutes parts à travers les fissures de la muraille ; non seulement je me vis escaladant un échafaudage à jour ; mais la même lueur passagère me montra que les marches étaient d’inégale longueur, et que j’avais à cet instant un pied à deux pouces du vide.

C’était donc là le magnifique escalier ! pensai-je ; et en même temps une bouffée de courage dû à la colère me monta au cœur. Mon oncle m’avait envoyé ici, assurément, pour courir de grands risques, – et peut-être pour mourir. Je me jurai de tirer au clair ce « peut-être », dussai-je me casser le cou. Je me mis à quatre pattes ; et, avec une lenteur de limace, tâtant devant moi pouce par pouce, et éprouvant la solidité de chaque pierre, je poursuivis mon ascension. L’obscurité, par contraste avec l’éclair, me semblait avoir redoublé, et ce n’était pas tout, car à présent les oreilles me bourdonnaient, et j’étais étourdi par un grand remue-ménage de chauves-souris dans le haut de la tour, et les sales bêtes, en voletant vers le bas, se cognaient parfois à mon corps et à ma figure.

La tour, j’aurais dû le dire, était carrée ; et chaque marche d’angle était constituée par une grande dalle de forme différente, pour joindre les