Page:Stevenson - L'Île au trésor, trad. Savine-Lieutaud.djvu/17

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Un lecteur pourra préférer le style de l’un, un autre celui de Vautre — c’est une affaire de goût, peut-être de prédispositions — mais nul connaisseur ne peut manquer de voir que Vun est plein de difficultés et Vautre beaucoup plus malaisé à soutenir.

Il semble qu’un homme de lettres expérimenté peut tenir la gageure de rédiger L’Ile au Trésor à raison de plusieurs pages par jour et en gardant sa pipe allumée.

Mais, hélas ! tel n’était pas mon cas.

Quinze jours je bûchai et écrivis quinze chapitres ; et puis, dans les premiers paragraphes du seizième, je perdis ignominieusement le fil.

Ma bouche était vide. Pas un mot de L’Ile au Trésor ne résonnait dans ma poitrine, et les épreuves du début m’attendaient à la « Main et la Lance » !

Puis, je les corrigeai, vivant la plupart du temps seul, déambulant sur la bruyère, à Weybridge, les matins humides d’automne, très satisfait de ce que j’avais fait et plus inquiet que je ne peux vous dire de ce qui me restait à faire.

J’avais trente et un ans.

J’étais chef de famille.

J’avais perdu la santé.

Je n’avais pas encore achevé mes études.

Je n’avais jamais gagné deux cents livres par an.

Mon père venait de faire paraître un livre qui fut un échec. Serait-ce pour moi un autre et dernier fiasco ?

J’étais ainsi très près du désespoir ; mais j’en fis résolument silence et, durant un voyage à Davos, où je passai l’hiver, je résolus de penser à d’autres choses et de m’enterrer dans les romans de M. du Boisgobey.

Arrivé à destination, je m’assis un matin avec abattement devant mon récit inachevé ; et voilà, il jaillit de moi comme

une facile conversation. Dans un second flux de joyeux épan-

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