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L’ÎLE AU TRÉSOR

tout fut fini, il s’approcha, muni d’un autre pavillon qu’il étendit pieusement sur le cadavre.

— Ne vous affectez pas, monsieur, dit-il au chevalier, en lui serrant la main. Tout va bien pour lui : il n’y a rien à craindre pour un matelot tué en faisant son devoir envers son capitaine et son armateur. Ce n’est peut-être pas correct comme théologie, mais c’est la réalité.

Puis il me tira à part :

— Docteur Livesey, dans combien de semaines attendez-vous la conserve, le chevalier et vous ?

Je lui exposai que ce n’était pas une question de semaines, mais bien de mois. Si nous n’étions pas de retour à la fin d’août, Blandly devait envoyer à notre recherche, mais ni plus tôt ni plus tard.

— Comptez vous-même, ajoutai-je.

Le capitaine se gratta la tête.

— Eh bien ! monsieur, reprit-il, tout en faisant une large part aux bienfaits de la Providence, je peux dire que nous avons couru au plus près.

— Que voulez-vous dire ? demandai-je.

— Que c’est malheur, monsieur, d’avoir perdu cette seconde cargaison. Voilà ce que je veux dire. Quant aux munitions, cela peut aller. Mais les vivres sont insuffisants, fort insuffisants… si insuffisants, docteur Livesey, que peut-être sommes-nous aussi bien sans cette bouche en plus.

Et il désigna le corps étendu sous le pavillon.

À la même minute, avec un ronflement strident, un boulet passa dans les hauteurs par-dessus le toit de la maison et alla tomber bien au-delà, dans le bois.

— Ho ! ho ! dit le capitaine. Feu roulant ! Vous n’avez déjà pas trop de poudre, les gars !

Le second coup fut mieux pointé, et le boulet s’abattit à l’intérieur de l’enclos, en soulevant un nuage de sable, mais sans causer d’autre dégât.