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LE CAPITAINE SILVER

le reconnaîtrai toujours, mais à cheval sur la discipline. « Le devoir avant tout », qu’il dit, et il a raison. Il faut te garer du capitaine. Le docteur lui-même est fâché à mort contre toi. « Un ingrat chenapan », voilà ses paroles ; et le résumé de l’histoire est à peu près celui-ci : tu ne peux plus retourner chez tes gens, car ils ne voudraient plus de toi ; et à moins que tu ne formes à toi tout seul un troisième équipage, ce qui manquerait un peu de société, il va falloir t’enrôler avec le capitaine Silver.

Tout allait bien jusque-là. Mes amis, donc, étaient encore vivants, et bien que je crusse vraie en partie l’affirmation de Silver que ceux de la cabine m’en voulaient pour ma désertion, j’étais plus réconforté qu’abattu par ce que je venais d’entendre.

— Et quoique tu sois en notre pouvoir, reprit Silver, et que tu y sois bien, crois-moi, je n’en parlerai pas. Je suis uniquement pour la persuasion ; la menace n’a jamais produit rien de bon. Si le service te plaît, eh bien, tu t’enrôleras avec nous : et dans le cas contraire, Jim, ma foi, tu es libre de répondre non… libre comme l’air, camarade ; et je veux périr s’il est en ce monde un marin pour parler mieux que cela !

À travers tout ce persiflage, j’avais bien discerné la menace de mort suspendue sur moi ; mes joues étaient brûlantes et mon cœur battait douloureusement dans ma poitrine. Je demandai d’une voix tremblante :

— Alors, il faut que je réponde ?

— Mon gars, repartit Silver, personne ne te presse. Relève ta position. Personne ici ne voudrait te presser, camarade : le temps passe trop agréablement en ta société, vois-tu.