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Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. Varlet.djvu/30

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L’ÎLE AU TRÉSOR

qu’il soulevât les paupières et promenât autour de lui un regard vague. D’abord il fronça le sourcil en reconnaissant le médecin ; puis son regard s’arrêta sur moi, et il sembla rassuré. Mais soudain il changea de couleur et s’efforça de se lever, en criant :

— Où est Chien-Noir ?

— Il n’y a de chien noir ici que dans votre imagination, répliqua le docteur. Vous avez bu du rhum ; vous avez eu une attaque, tout comme je vous le prédisais, et je viens, fort à regret, de vous arracher à la tombe où vous piquiez une tête. Et maintenant, maître Bones…

— Ce n’est pas mon nom, interrompit-il.

— Peu importe ! C’est celui d’un flibustier de ma connaissance, et je vous appelle ainsi pour abréger. Ce que j’ai à vous dire, le voici : un verre de rhum ne vous tuera pas, mais si vous en prenez un, vous en prendrez un second, et un troisième, et je gagerais ma perruque que, si vous ne cessez pas net, vous mourrez… entendez-vous bien ?… vous mourrez, et vous irez à votre vraie place, comme il est dit dans la Bible. Allons, voyons, faites un effort. Je vous aiderai à vous mettre au lit, pour cette fois.

À nous deux, et non sans peine, nous arrivâmes à le porter en haut et à le déposer sur son lit. Sa tête retomba sur l’oreiller, comme s’il allait s’évanouir.

— Maintenant, dit le docteur, rappelez-vous bien ce que je vous déclare en conscience : le rhum pour vous est un arrêt de mort.

Et là-dessus il me prit par le bras et m’entraîna vers la chambre de mon père.

— Ce ne sera rien, me dit-il, sitôt la porte refermée. Je lui ai tiré assez de sang pour qu’il se tienne un moment tranquille. Le mieux pour vous et pour lui serait qu’il restât au lit une huitaine ; mais une nouvelle attaque l’emporterait.