Page:Stevenson - La Flèche noire.djvu/215

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ment, un homme sautant sur un autre et un troisième sur les deux. Enfin, et soit à dessein, soit par accident, l’avant de la Bonne Espérance fut détaché et le toujours prêt Lawless qui avait conservé sa place au gouvernail à travers le tohu-bohu, grâce à sa force physique et à l’usage libéral du froid acier, aussitôt la mit en bon chemin. Le vaisseau commença de nouveau à se mouvoir sur la mer orageuse, le sang coulant sur ses dalots, son pont encombré d’hommes tombés qui se traînaient et se débattaient dans l’obscurité.

Alors Lawless rengaina sa dague et se tourna vers son voisin : « Je les ai marqués, compère, dit-il, les lâches chiens aboyeurs. »

Pendant qu’ils étaient tous à sauter et se débattre pour leur vie, les hommes n’avaient pas pu s’apercevoir des rudes poussées et des coups tranchants par lesquels Lawless avait conservé son poste dans le désordre. Mais peut-être avaient-ils déjà commencé à comprendre un peu plus clairement ou peut-être une autre oreille surprit les paroles du timonier.

Les troupes frappées de panique se remettent lentement, et des hommes qui viennent de se déshonorer par une lâcheté, comme pour essuyer le souvenir de leur faute, parfois se jettent tout droit par contre dans l’extrême insubordination. Ce fut le cas, et les mêmes hommes qui avaient jeté leurs armes et avaient été hissés, les pieds en