Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/123

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Elle me regardait toujours. Puis sa main se posa de nouveau sur son cœur.

– Non, dit-elle.

– Dieu vous bénisse pour ce mot ! Allez donc le trouver : il est dans la salle. Parlez-lui, – peu importe ce que vous direz ; tendez-lui la main : dites : Je sais tout… et si Dieu vous en donne la grâce, ajoutez : Pardonnez-moi.

– Que Dieu vous fortifie, et vous inspire la pitié, dit-elle. Je vais trouver mon mari.

– Permettez-moi de vous éclairer, dis-je, en prenant le flambeau.

– Je trouverai bien ma route dans l’obscurité, dit-elle, avec un frisson ; – et ce frisson, je crois, était à mon adresse.

Nous nous séparâmes donc. Elle descendit l’escalier et se dirigea vers le mince rai de lumière qui filtrait par la porte de la salle, – tandis que je suivais le couloir jusqu’à la chambre de Mylord. Je ne saurais dire pourquoi, mais il m’était impossible de pénétrer chez ce vieillard comme je l’avais fait chez la jeune femme : bien à contrecœur, il me fallut frapper. Mais sa vieillesse avait le sommeil léger, ou peut-être il ne dormait pas ; et à mon premier coup, il me cria d’entrer.

Lui aussi, il se redressa dans son lit. Il avait la pâleur exsangue de la vieillesse ; et, malgré l’apparence d’une certaine carrure que lui donnaient ses vêtements de jour, il semblait à cette heure frêle et ratatiné, avec une tête (il avait enlevé sa perruque) guère plus grosse que celle d’un enfant. Ceci m’intimida non moins que son air égaré où se lisait le pressentiment d’un malheur. Ce fut, néanmoins, d’une voix calme qu’il me demanda ce que je lui voulais. Je posai mon flambeau sur une chaise, m’accoudai sur le pied du lit, et le regardai.

– Lord Durrisdeer, vous êtes bien persuadé que je suis un partisan dans votre famille.

– J’espère qu’il n’y a chez moi aucun parti, dit-il. Que vous aimiez mon fils sincèrement, cela j’ai toujours été heureux de le reconnaître.