Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/127

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– Oh ! Mylord, m’écriai-je, pensez à celui qui vous reste ; pensez à ce pauvre pécheur que vous avez obtenu du ciel, que votre épouse vous a donné, que nous n’avons, aucun de nous, affermi comme il convenait ; pensez à lui, non à vous ; il souffre, lui aussi… pensez à lui ! Voici devant vous la porte des douleurs… la porte qui mène à Christ, à Dieu. Oh ! quelle est grande ouverte. Pensez à lui, de même qu’il a pensé à vous : Qui va le dire à mon père ? – Ce sont ses paroles textuelles. C’est pour cela que je suis venu ! c’est pourquoi je suis en train de plaider à vos pieds.

– Laissez-moi me lever, s’écria-t-il, me rejetant de côté.

Il fut debout avant moi. Sa voix tremblait comme une voile au vent, mais il parlait avec force ; son visage était de neige, mais il avait les yeux secs et le regard assuré.

– C’est trop de discours, dit-il. Où cela s’est-il passé ?

– Sous la charmille, dis-je.

– Et Mr. Henry ? demanda-t-il.

Et, sur ma réponse, son vieux visage se plissa de rides méditatives.

– Et Mr. James ? dit-il.

– Je l’ai laissé par terre, dis-je, – à côté des bougies.

– Des bougies ? s’écria-t-il ; et, courant à la fenêtre, il l’ouvrit et regarda au-dehors. – Elles sont visibles de la route.

– Il n’y passe personne à cette heure, objectai-je.

– Peu importe, dit-il. Quelqu’un pourrait passer. Écoutez ! Qu’est cela ?

C’était, sur la baie, un bruit d’avirons maniés très discrètement. Je le lui dis.

– Les contrebandiers, reprit Mylord. Courez vite, Mackellar ; éteignez ces bougies. En attendant, je vais m’habiller ; et à votre retour, nous verrons ce qu’il convient de faire.

Je descendis l’escalier à tâtons, et gagnai la porte. Dans la distance, on distinguait une lueur qui faisait des points brillants dans la charmille ; par une nuit aussi noire, elle devait être visible en mer, à plusieurs