Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/129

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– Au sang ! s’écria-t-elle, se rejetant en arrière.

– Je crois qu’il y en a. Je suis quasi aveugle.

– Non, dit-elle, rien ! N’avez-vous pas rêvé ?

– Ah ! plût à Dieu !

Elle aperçut le sabre, le ramassa, et, à la vue du sang, le laissa retomber en ouvrant les mains toutes grandes. – Ah ! s’écria-t-elle. Et puis, avec un réel courage, elle le reprit une seconde fois et l’enfonça jusqu’à la garde dans la terre gelée.

– Je vais l’emporter pour le nettoyer à fond, dit-elle, en regardant de nouveau de tous côtés. – Il n’est peut-être pas mort, ajouta-t-elle.

– Son cœur ne battait plus. Puis, me souvenant : Pourquoi n’êtes-vous pas auprès de votre mari ?

– Ce n’est pas la peine, dit-elle ; il ne me répondra pas.

– Lui, ne pas vous répondre ? Oh ! vous n’avez pas essayé.

– Vous avez le droit de douter de moi, répondit-elle, avec une simplicité digne.

À ces mots, et pour la première fois, elle m’inspira de la pitié.

– Dieu sait, Madame, dis-je, Dieu sait que je ne suis pas si dur que j’en ai l’air ; en cette nuit de malheur, comment peser ses paroles ? Mais je suis l’ami de tous ceux qui ne sont pas les ennemis d’Henry Durie.

– En tout cas, il est dur à vous d’hésiter au sujet de sa femme !

Je découvris, comme si un voile se déchirait, avec quelle noblesse elle supportait ce cruel malheur, et quelle générosité elle opposait à mes reproches.

– Rentrons. Il faut aller raconter ceci à Mylord, dis-je.

– Lui ? je n’oserai jamais, s’écria-t-elle.

– Vous verrez que c’est lui le moins ému de nous tous.

– Et malgré cela, je n’oserai jamais.

– Eh bien, dis-je, retournez auprès de Mr. Henry. Je verrai Mylord.