Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/252

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d’une humeur mêlée d’angoisse et d’espoir, étant presque assurés de toucher au but de leurs recherches, et se trouvant par ailleurs (avec le retour de l’obscurité) envahis par la crainte des Indiens. Mountain monta la première garde ; il affirme ne s’être pas endormi ni assis, et avoir veillé avec un soin continuel et soutenu, et ce fut même d’un cœur léger que (voyant aux étoiles que l’heure était venue) il s’approcha du feu pour éveiller son remplaçant. Celui-ci (Hicks le savetier) dormait du côté sous le vent du cercle, un peu plus loin donc que ceux au vent, et en une place obscurcie par les tourbillons de fumée. Mountain se pencha vers lui et le secoua par l’épaule ; sa main rencontra une humidité visqueuse ; et (comme le vent tournait juste alors) la clarté du feu se répandit sur le dormeur et fit voir qu’il était, comme Pinkerton, mort et scalpé.

Ils étaient évidemment tombés entre les mains d’un de ces Indiens partisans et sans chefs, qui suivent parfois une troupe durant des jours, et, en dépit de marches forcées et d’une surveillance assidue, ne cesseront de se tenir à sa hauteur et de prélever un scalp à chaque lieu de repos. Après cette découverte, les chercheurs de trésor, déjà réduits à une pauvre demi-douzaine, furent pris de panique, s’emparèrent de quelques objets indispensables, et, abandonnant le reste de leurs effets, plongèrent tout droit dans la forêt. Ils laissèrent leur feu brûler auprès de leur camarade mort sans sépulture. Tout le jour ils ne cessèrent de fuir, mangeant sans s’arrêter, de la main à la bouche, et comme ils n’osaient dormir, ils continuèrent d’avancer, au hasard, même pendant les heures d’obscurité. Mais les limites de l’endurance humaine sont vite atteintes ; quand ils se reposèrent à la fin, ce fut pour s’endormir profondément ; et quand ils se réveillèrent, ce fut pour découvrir que leur ennemi était toujours sur leurs talons, et que la mort et la mutilation avaient une fois de plus atteint et défiguré un de leurs camarades.

Alors ils perdirent la tête. Ils se trouvaient égarés dans le désert, leurs provisions s’épuisaient. Quant au