Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/61

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sa charge. Sa fin et surtout ses cris nous terrifièrent ; cependant, la circonstance fut en somme heureuse et contribua à notre salut. En effet, Dutton eut alors l’idée de grimper sur un arbre d’où il put distinguer et me désigner, car j’étais monté derrière lui, un boqueteau élevé, qui repérait le sentier. Il s’avança ensuite d’autant plus négligemment, je suppose, car peu après, nous le vîmes s’enfoncer un peu et retirer ses pieds, pour enfoncer de nouveau, et cela par deux fois. Alors il se tourna vers nous, très pâle.

– Donnez-moi un coup de main, dit-il ; je suis dans un mauvais endroit.

– Je m’en moque, dit Ballantrae, s’arrêtant.

Dutton éclata en blasphèmes violents, s’enfonçant toujours davantage, tant que la lise atteignit presque sa ceinture. Il tira un pistolet :

– Aidez-moi, s’écria-t-il, ou bien mourez et soyez damnés !

– Non, dit Ballantrae, je plaisantais. Me voici.

Et il déposa son ballot avec celui de Dutton, que c’était son tour de porter.

– Ne vous risquez pas plus près, tant que je ne vous appelle, me dit-il, en s’avançant tout seul vers l’homme enlisé.

Celui-ci à présent restait tranquille, mais tenait toujours son pistolet, et la terreur que décelaient ses traits m’émut profondément.

– Pour l’amour de Dieu, dit-il, faites vite !

Ballantrae était tout proche de lui.

– Ne bougez pas, dit-il ; et il sembla réfléchir ; puis : Tendez-moi vos deux mains !

Dutton déposa son pistolet, et la surface était si aqueuse qu’il fut absorbé et disparut aussitôt ; avec un blasphème, il se baissa pour le reprendre ; au même instant, Ballantrae se pencha et le poignarda entre les épaules. Ses deux mains s’agitèrent au-dessus de sa tête, – je ne sais si ce fut de douleur ou pour se défendre ; mais une seconde plus tard, il retombait le nez dans la vase.

Ballantrae en avait déjà par-dessus les chevilles ;