Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quoique, à tout point de vue, un chrétien ou un simple gentleman se ferait scrupule d’avancer…

– Voilà des expressions flatteuses, interrompit-il.

– Si rien ne peut vous décider à repartir, continuai-je, il y a néanmoins des convenances à respecter. Attendez ici avec votre bagage, et j’irai en avant préparer votre famille. Votre père est vieux, et… (j’hésitai)… il y a des convenances à respecter.

– En vérité, dit-il, ce Mackellar gagne à être connu. Mais écoutez un peu, mon garçon, et comprenez-le une fois pour toutes : vous perdez votre salive avec moi, et je vais droit mon chemin, d’une force inéluctable.

– Ah ! dis-je. C’est ainsi ? Eh bien, nous allons voir !

Et, faisant volte-face, je courus à toutes jambes vers Durrisdeer. Il tâcha de me retenir, avec un cri de colère, et puis je crois que je l’entendis ricaner, et je suis certain qu’il me poursuivit deux ou trois pas et, sans doute, y renonça. Mais le fait est que j’arrivai quelques minutes plus tard à la porte du château, hors d’haleine, et seul. Je montai l’escalier quatre à quatre, fis irruption dans la salle, et m’arrêtai en présence de la famille, incapable de parler. Mais on devait lire dans mes yeux toute l’histoire, car ils se levèrent de leurs sièges, et me regardèrent, médusés.

– Il est venu, haletai-je enfin.

– Lui ? demanda Mr. Henry.

– Lui-même, dis-je.

– Mon fils ? s’écria Mylord. Imprudent ! imprudent garçon ! Oh ! que ne restait-il où il se trouvait en sûreté !

Mme Henry ne prononça pas une parole ; et je ne la regardai pas, je ne sais pourquoi.

– Eh bien, dit Mr. Henry, après avoir longuement pris sa respiration, où est-il ?

– Je l’ai laissé sous la grande charmille, dis-je.

– Menez-moi auprès de lui, dit-il.

Nous partîmes tous les deux, lui et moi, sans échanger un mot de plus ; et au milieu de l’allée nous