Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/91

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rencontrâmes le Maître, qui arpentait le gravier en sifflant et battant l’air avec sa canne. Il y avait encore assez de lumière pour reconnaître un visage, mais non son expression.

– Ah ! Jacob ! dit le Maître. Voici donc Esaü de retour.

– James, dit Mr. Henry, pour l’amour de Dieu, appelez-moi par mon nom. Je ne dirai pas que je suis bien aise de vous recevoir ; mais je vous accueillerai le mieux possible dans la maison de nos pères.

– Ou dans ma maison ? ou la vôtre ? dit le Maître. Lequel des deux alliez-vous dire ? Mais c’est une vieille plaie qu’il ne faut pas raviver. Si vous n’avez pas voulu partager avec moi lorsque j’étais à Paris, j’espère que vous ne refuserez pas à votre frère aîné une place au coin du feu de Durrisdeer.

– Voilà qui est mal parler, dit Mr. Henry. Et vous sentez admirablement la force de votre situation.

– Ma foi, je le pense, dit l’autre, avec un petit rire.

Et ce fut là, bien qu’ils ne se fussent pas donné la main, toute la bienvenue des deux frères ; car le Maître se tourna ensuite vers moi et m’ordonna de prendre son bagage.

Moi, de mon côté, je me tournai vers Mr. Henry pour avoir confirmation ; et non sans quelque défi, peut-être.

– Aussi longtemps que le Maître sera ici, Mr. Mackellar, vous m’obligerez beaucoup en regardant ses désirs comme vous feriez des miens, dit Mr. Henry. Nous ne cessons de vous importuner : voulez-vous avoir l’obligeance d’envoyer un des domestiques ? – et il appuya sur le mot.

Si cette phrase signifiait quelque chose, elle était à coup sûr un blâme bien mérité par l’étranger ; et cependant, sa diabolique imprudence était telle, qu’il la prit au rebours.

– Et aurons-nous la vulgarité d’ajouter : Baissez le nez ? interrogea-t-il doucement, en me regardant de côté ?

Quand bien même un royaume en eût dépendu, je