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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE 83


Le chancelier se remit, et ils sortirent tous deux. C’était un voyage long et compliqué, car la bibliothèque se trouvait dans une aile des bâtiments nouveaux, tandis que la tour où flottait l’étendard appartenait au vieux château et donnait sur le jardin. Traversant divers escaliers et corridors, ils pénétrèrent enfin dans une petite cour sablée. Au travers d’un treillis élevé, le jardin laissait percer un rayon vert ; de tous côtés s’élevaient de hauts bâtiments à pignons ; étage par étage la tour au drapeau grimpait dans le bleu du ciel, et, au-dessus, parmi les nichées de corbeaux, le drapeau jaune flottait au vent. Au pied de l’escalier une sentinelle présenta les armes ; une autre marchait de long en large sur le premier palier ; une troisième stationnait devant la porte de la prison improvisée.

— Nous veillons sur cette boue comme sur un trésor ! ricana Othon.

L’appartement de Gemiani prenait son nom d’un certain docteur italien qui en avait fort imposé à un prince crédule d’autrefois. Les chambres étaient grandes, aérées, agréables, et donnaient sur le jardin ; mais les murailles étaient épaisses (car la tour datait de loin) et les fenêtres fortement barrées. Le prince, suivi du chancelier, toujours trottinant pour maintenir sa distance, glissa rapidement à travers la petite bibliothèque et le long salon, pour entrer comme la foudre dans la chambre à coucher située à l’extrémité opposée. Sir John était en train d’achever sa toilette : âgé de cinquante ans environ, avec une physionomie dure, inflexible, intelligente, il avait l’œil et la