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92 LE ROMAN DU PRINCE OTHON

demande pardon ; je demande pardon à la princesse ; et je vous donne ma parole d’honneur, comme gentilhomme et comme vieillard, que lorsque paraîtra mon livre de voyages, on n’y trouvera pas même le nom de Grunewald… Et pourtant c’était là un chapitre piquant ! Ah ! si seulement Votre Altesse avait lu ce que je raconte des autres cours ! Je suis un corbeau ! Mais, après tout, ce n’est pas ma faute, si ce monde n’est qu’un chenil nauséabond.

— Monsieur, dit Othon, n’est-ce pas plutôt l’œil même qui voit les choses en jaune ?

— C’est, ma foi, fort possible, s’écria le voyageur. Je m’en vais reniflant : je ne suis pas poète. Je crois à un avenir meilleur pour le monde… ou, tout au moins, j’ai la plus piètre opinion du présent. Œufs pourris, voilà le refrain de ma chanson. Mais, d’autre part, Altesse, quand je rencontre quelque mérite, je ne pense pas être lent à le reconnaître. Ce jour-ci est un de ceux dont je me souviendrai avec gratitude, car j’ai trouvé un souverain possédant les vertus d’un homme. Et pour une fois, tout vieux courtisan et tout frondeur que je suis, c’est du fond du cœur et en toute sincérité que je demande l’honneur de baiser la main de Votre Altesse.

— Non, Monsieur, dit Othon, sur mon cœur !

Et l’Anglais, saisi à l’improviste, se trouva serré un instant entre les bras du prince.

— Maintenant, Monsieur, ajouta Othon, voilà la faisanderie, derrière laquelle, tout proche, vous trouverez ma voiture que je vous prie d’accepter. Et que le ciel vous conduise à Vienne !