DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE 91
— Je vous ferai observer, dit Sir John, que ce que vous me demandez là est impossible.
— Et si je vous souffletais ? s’écria le prince, dans l’œil duquel brilla soudain un éclair menaçant.
— Ce coup serait une lâcheté, répliqua le baronnet sans sourciller, car cela ne changerait rien à la chose : je ne puis tirer l’épée contre un prince régnant.
— C’est pourtant cet homme, à qui vous n’osez pas offrir réparation, que vous insultez à plaisir ! s’écria Othon.
— Pardonnez-moi, dit le voyageur, vous êtes injuste. C’est parce que vous êtes prince régnant que je ne puis me battre avec vous, et c’est pour la même raison que j’ai le droit de critiquer vos actions et votre femme. En toute chose vous êtes une créature publique ; chair et os vous appartenez au public. Vous avez pour vous la loi, les fusils de l’armée, les yeux des espions. Nous, de notre côté, n’avons qu’une arme : la vérité.
— La vérité !… répéta le prince avec un geste expressif.
Il y eût un nouveau silence.
— Votre Altesse, dit enfin Sir John, n’espérez pas cueillir des raisins sur un chardon. Je suis vieux et tant soit peu cynique. Personne ne fait le moindre cas de moi ; et, somme toute, après l’entrevue actuelle, je ne crois connaître personne qui me plaise autant que vous. Comme vous voyez, j’ai changé mes idées, et j’ai le mérite assez rare d’admettre le changement. Cet écrit, je le déchire ici, devant vous, dans votre propre jardin. Je vous