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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

elle fût entièrement vouée aux ambitions mâles, au désir du pouvoir, ses yeux tour à tour hardis, provocants, fiers, attendris ou astucieux étaient ceux d’une sirène avide. Astucieuse, elle l’était, d’une certaine façon. Irritée de n’être pas homme, et de ne pouvoir briller par l’action, elle avait conçu un rôle féminin de domination responsable ; elle visait à la direction des autres pour ses intérêts privés ; elle voulait rayonner d’influence tout en restant froide de cœur ; et bien qu’elle n’aimât aucun homme, elle aimait à voir l’homme lui obéir. C’est là une ambition assez commune chez les jeunes femmes : telle était sans doute cette dame au gant qui envoya son amant au milieu des lions. Mais le piège est tendu pour l’homme tout aussi bien que pour la femme, et le monde est ajusté avec l’artifice le plus parfait.

Près d’elle, sur une chaise basse, Gondremark avait disposé ses membres dans une attitude de chat, voûté et soumis. La formidable mâchoire bleuâtre de cet homme, et son œil trouble et bilieux rehaussaient la valeur de son évident désir de plaire. Sa figure exprimait la capacité, le sang-froid, et une sorte d’improbité hardie, improbité de pirate qu’il eût été calomnieux d’appeler fourberie. Ses manières, comme il souriait à la princesse, étaient par trop belles, et pourtant sans élégance.

— Probablement, dit le baron, je devrais maintenant songer à prendre congé. Il ne faut pas que je laisse mon souverain faire antichambre. Venons-en donc tout de suite à une décision.