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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

— Vous demanderai-je la couronne ? continua-t-elle. Bah ! qu’en ferais-je ? Grunewald n’est qu’un petit État : mon ambition vise plus haut. Je demanderai donc… Allons, il paraît que je n’ai envie de rien. Au lieu de demander, je vous donnerai quelque chose, Je vous permettrai de m’embrasser… une fois !

Othon se rapprocha, et elle haussa son visage. Tous deux souriaient, presque sur le point de rire. Tout était jeu et innocence… Le prince, quand leurs lèvres se rencontrèrent, demeura étourdi par une convulsion soudaine de tout son être.

Ils se séparèrent aussitôt, et pendant un certain temps demeurèrent muets. Indistinctement Othon comprenait tout le péril de ce silence, mais sans pouvoir trouver une parole. Tout à coup la comtesse parut se réveiller : — Quant à votre femme,… dit-elle, d’une voix claire et ferme.

Le mot rappela Othon, tout frissonnant, de son extase. — Je ne veux rien entendre contre ma femme ! s’écria-t-il, un peu égaré. Puis, se remettant et d’un ton plus doux : — Je vous confie, ajouta-t-il, mon seul secret… J’aime ma femme !

— Vous auriez pu me laisser achever, répliqua-t-elle en souriant. Supposez-vous que j’aie prononcé son nom sans intention ? Vous aviez perdu la tête, vous le savez. Eh bien, moi aussi. Allons, voyons, ne vous effarouchez pas des mots, ajouta-t-elle un peu sèchement. C’est la seule chose que je méprise. Si vous n’êtes pas sot, vous devez voir que je bâtis des forteresses autour de votre vertu. En tous cas, il me plaît que vous compreniez bien que je ne me meurs point d’amour pour vous.