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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

paysan. Vous avez trouvé un placement excellent pour l’argent d’une amie. Vous avez préféré une bonté essentielle à un vide scrupule ; et à présent vous avez honte de tout cela ! Vous avez rendu votre amie heureuse, et pourtant vous vous lamentez comme la colombe ! Allons, voyons, ranimez-vous… Je sais bien qu’il est un peu attristant d’avoir strictement bien agi, mais après tout, il n’est pas nécessaire d’en faire une habitude. Pardonnez-vous à vous même cette vertu. Voyons, regardez-moi en face, et souriez.

Il la regarda. Quand un homme a été entre les bras d’une femme, il la voit à travers un charme. À pareil moment, sous la lumière trompeuse des étoiles, elle ne peut paraître que follement belle. Les cheveux surprennent çà et là la lumière. Les yeux sont des constellations. Le visage est esquissé à l’estompe, esquissé, pourrait-on dire, par la passion. Othon se sentit consolé de sa défaite et commença à s’intéresser : — Non, dit-il, je ne suis pas un ingrat.

— Vous m’aviez promis quelque chose d’amusant, dit-elle en riant. Je vous ai donné un équivalent : nous avons eu une scena orageuse.

Othon rit à son tour. Mais de part et d’autre le son de leur rire n’était pas très rassurant.

— Voyons, qu’allez-vous me donner, continua-t-elle, en échange de mon excellente déclamation ?

— Ce qui vous plaira, dit-il.

— Tout ce qu’il me plaira ! Parole d’honneur ? Si je vous demandais la couronne ?

Elle brillait à ses yeux, belle de triomphe. — Sur l’honneur, répéta-t-il.