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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

lant ; la lumière entrant à flots par une coupole. Au milieu de tout cela, le grand baron Gondremark, en manches de chemise, son travail pour la journée bien fini, et l’heure de la récréation arrivée.

Son expression, son naturel même, semblaient avoir subi un changement complet. Gondremark chez lui paraissait en tous points l’antipode du Gondremark officiel. Il avait un air de joyeuseté massive qui lui seyait bien ; une bonhomie sensuelle rayonnait sur ses traits, et avec ses belles manières il avait mis de côté son expression sinistre et rusée. Il se prélassait, chauffant au feu sa vaste masse… Un noble animal !

— Eh ! cria-t-il. Enfin !

Sans mot dire, la comtesse entra dans la chambre, se jeta sur une chaise, et croisa les jambes. Dans ses dentelles et ses velours, avec son généreux étalage d’un bas noir luisant au milieu de jupons blancs comme la neige, avec son fin profil et son embonpoint svelte, elle offrait un contraste singulier avec le satyre intellectuel, noir, énorme, assis au coin du feu.

— Vous m’envoyez chercher bien souvent ! dit-elle. Cela devient compromettant.

Gondremark se mit à rire. — À propos, dit-il, que diable faisiez-vous donc ? Vous n’êtes pas rentrée avant le matin.

— Je faisais la charité, dit-elle.

De nouveau le baron se mit à rire, haut et longtemps ; car en manches de chemise c’était un fort gai personnage. — Il est heureux que je ne sois pas jaloux, remarqua-t-il. Mais vous connaissez