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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

trembla dans la main. Il fut tout étonné de voir que sa résignation s’était envolée, mais il lui était impossible de la ressaisir.

En quelques mots chauffés à blanc il fit ses adieux à sa femme, baptisant son désespoir du nom d’amour, appelant sa colère un pardon. Puis il jeta un seul regard d’adieu sur ce palais qui ne devait plus être le sien, et sortit en toute hâte, prisonnier de l’amour ou de l’orgueil.

Il passa par le corridor particulier qu’il avait si souvent parcouru en de moindres occasions. Le concierge lui ouvrit ; l’air froid et généreux de la nuit et la pureté glorieuse des étoiles le reçurent sur le seuil. Il regarda autour de lui, et respira profondément les saines senteurs de la terre. Il leva les yeux vers le spectacle immense du firmament, et se sentit tout calmé. Sa vie, petite et fiévreuse, se réduisit à ses vraies proportions, et il s’apparut à lui-même, lui le grand martyr au cœur de feu, comme un point obscur sous la fraîche coupole de la nuit. Il sentait déjà ses griefs irréparables s’assoupir ; le grand air vivifiant et la paisible nature calmèrent et réduisirent son émotion, comme par leur musique silencieuse.

— C’est bien, dit-il, je lui pardonne. Si cela peut lui être bon à quoique ce soit… je lui pardonne. Et, d’un pas rapide, il traversa le jardin, entra dans le parc, et se dirigea vers le Mercure volant.

Une silhouette noire se détacha de l’ombre du piédestal, et s’avança vers lui.

— J’ai à vous demander pardon, fit observer une voix, si je me trompe en vous prenant pour