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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

Elle ferma les yeux devant cette perspective mortelle. Prompte comme la pensée, elle saisit un poignard à lame brillante, parmi les armes qui étincelaient sur les murailles. Oui, elle y échapperait encore ! Il était une issue de cet amphithéâtre monstrueux rempli de têtes branlantes, de chuchotements, de bourdonnements, où en pensée elle se voyait déjà martyrisée sans pitié. Coûte que coûte, au prix de n’importe quelle souffrance, ce gros rire huileux serait étouffé. Elle ferma les yeux, murmura une prière, et pressa l’arme contre son sein.

La sensation incroyablement vive de la piqûre lui arracha un cri, et pour ainsi dire la réveilla par une pensée… elle l’avait échappé belle… et c’était plus qu’elle ne méritait ! Une petite goutte de rubis fut tout ce qu’il resta de ce grand acte de désespoir. Mais la douleur avait eu un effet tonique, et toute idée de suicide s’était dissipée.

Au même instant un bruit régulier se fit entendre dans la galerie, et elle reconnut le pas du grand baron, ce pas qui avait si souvent jusqu’ici été le bienvenu et qui, même maintenant, lui remonta le cœur comme un appel au combat. Elle cacha le poignard dans les plis de sa robe et, se redressant de toute sa hauteur, fièrement campée, rayonnante de courroux, elle attendit l’ennemi.

Le baron fut annoncé, et entra. Pour lui Séraphine était une détestable corvée. Tel que l’écolier avec son Virgile, il n’avait ni l’envie ni le loisir d’apprécier sa beauté, Cependant, quand il la vit ainsi, illuminée par la colère, de nouveaux sentiments le remuèrent : une admiration franche, une