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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

doute permis de prendre en pitié. Sa vanité saignait sous sa poitrine de fer, elle se démenait furieuse. Que ne pouvait-il reprendre toutes ces paroles absurdes… même quelques-unes seulement !… Si encore il n’avait pas lâché ce mot d’épouse ! Cela lui hurlait à l’oreille, pendant qu’il repassait ses paroles en revue. Il se leva chancelant, et alors, dans ce premier moment où l’agonie jusqu’alors silencieuse se répand en paroles et la langue trahit tout ce qu’il y a de pire et de plus caché dans l’homme, il se permit une riposte qu’il devait regretter pendant les six semaines suivantes.

— Ah ! fit-il, la comtesse ! Maintenant, je comprends l’émotion que je remarque chez Votre Altesse !

Cette insolente réplique de faquin fut accentuée par un ton plus insolent encore. Il s’éleva dans Séraphine un de ces ouragans qui, plus d’une fois déjà, avaient obscurci sa raison. Elle s’entendit rugir… et, quand l’ouragan fut passé, elle jeta loin d’elle le poignard ensanglanté, vit Gondremark trébucher à reculons, la bouche ouverte, pressant la main sur sa blessure. Un instant après, avec des imprécations qu’elle n’avait jamais entendues jusque-là, il s’élança sur elle avec rage, et la saisit au moment où elle se rejetait en arrière. Mais à cet instant même il glissa et s’affaissa. Elle avait à peine eu le temps de parer l’attaque meurtrière, qu’il roulait déjà à ses pieds.

Il se souleva sur le coude. Elle, blanche de terreur, regardait.

— Anna ! cria-t-il. Au secours, Anna ! Puis la