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HEUREUSE INFORTUNE

crêtes dénudées, parmi les rocs et les bouleaux, avec les lézards et les serpents ; tantôt par les bocages profonds aux piliers sombres ; tantôt elle suivait les sinuosités d’un sentier dans les dédales des vallons, tantôt encore elle se retrouvait au sommet d’une colline, et pouvait voir les montagnes dans le lointain, et les grands cercles que les oiseaux traçaient dans le ciel.

De loin elle voyait quelquefois un hameau à demi caché dans la verdure, et alors elle se détournait pour l’éviter. Au bas, elle distinguait la ligne écumante d’un torrent, et plus près pouvait assister à la naissance silencieuse des filets d’eau sourdissant entre les pierres ou filtrant à travers les mousses vertes. Dans les vallons plus favorisés, toute une famille de ces jeunes ruisseaux se réunissait et allait résonner dans les pierres, ou s’étendre en mare et offrir ainsi une baignoire aux passereaux, ou bien encore tomber à pic du haut de quelque rocher, en verges cristallines. Elle saisissait tout cela, pendant sa course précipitée, avec un ravissement de surprise, un attendrissement plein de joie. Toutes ces impressions étaient si étranges, elles lui arrivaient si directement au cœur, elles étaient si neuves, si pleines de couleur et de parfum, et si bien enchâssées, couronnées par le dôme bleu de l’air du ciel !

À la fin, et déjà bien fatiguée, elle arriva au bord d’une mare assez large mais peu profonde ; çà et là quelques pierres s’y élevaient en îlots ; des roseaux en frangeaient le rivage ; les aiguilles de sapins en tapissaient le fond, et les sapins eux-mêmes, dont les racines s’y avançaient en promon-