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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

toires, y miraient silencieusement leurs verts reflets. Elle avança à petits pas, se pencha sur l’eau et se contempla avec étonnement : un fantôme hâve aux yeux brillants, habillé des restes de sa robe de princesse. Tantôt la brise secouait l’image, tantôt les mouches venaient la troubler : cela la fit sourire et, du sein des cercles s’élargissant, le reflet lui sourit en réponse, d’un air bienveillant.

Longtemps elle demeura là, assise à la chaleur du soleil, s’apitoyant sur ses bras nus, tout meurtris, blessés par les chutes, s’émerveillant de se voir sale, et ne pouvant croire que vraiment elle eût été si longtemps en un si étrange désordre.

Enfin, avec un soupir, elle commença à faire sa toilette devant ce miroir forestier. Elle se purifia de toutes les traces de son aventure, enleva ses bijoux qu’elle empaqueta dans un mouchoir, remit de l’ordre dans sa robe déchirée et défit les bandeaux de ses cheveux. Elle les fit tomber autour de sa figure, et la mare la refléta ainsi voilée. Elle se souvint alors qu’Othon lui disait autrefois que ses cheveux sentaient la violette, et essaya d’y retrouver cette senteur ; mais elle secoua la tête, et se prit pour un instant à rire tout bas et tristement.

Le rire lui fut renvoyé par un écho enfantin. Elle leva la tête, et aperçut deux bambins qui la regardaient : une petite fille, et un garçon plus petit encore, tous deux plantés comme des jouets au bord de la mare, sous les branches d’un haut sapin. Séraphine n’aimait pas les enfants ; mais cette vue lui fit bondir le cœur.