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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

et leurs remarques ineptes, tantôt les voix de la forêt. L’obscurité étoilée, les faibles brises des bois, la musique intermittente des fers sur la route, formaient un tout harmonieux qui s’accordait avec son esprit. Il était donc encore d’une humeur des plus égales quand ils arrivèrent ensemble au sommet de la longue colline qui surplombe Mittwalden.

Au fond du bassin boisé les lumières de la petite ville formaient un bassin scintillant de rues entrelacées. À l’écart, sur la droite, se voyait le palais, illuminé comme une fabrique.

L’un des marchands, bien qu’il ne reconnût point Othon, était de la principauté.

— Voilà ! s’écria-t-il, indiquant le palais de son fouet, voilà l’auberge de Jézabel !

— Comment, c’est comme ça que vous l’appelez ? fit un autre en riant.

— Mon Dieu, oui ; c’est ainsi qu’on l’appelle, répondit le Grunewaldien, et il entonna une chanson que la compagnie, en gens déjà familiers avec l’air et les paroles, reprit en chœur. Son Altesse Sérénissime Amélie, Séraphine, princesse de Grunewald, était l’héroïne de la ballade : Gondremark en était le héros. La honte siffla aux oreilles d’Othon. Il s’arrêta court, et, comme étourdi du coup, demeura immobile sur sa selle. Les chanteurs continuèrent de descendre la colline sans lui.

La chanson se chantait sur un air populaire, canaille et goguenard, et longtemps après que les paroles en furent devenues indistinctes, le rythme, s’élevant et s’abaissant, sonna l’insulte dans le