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XIV

Voyage dans le chariot couvert.


Je réveillai mes compagnons, non sans peine. Le pauvre vieux colonel restait plongé dans une sorte de rêve continu, où il paraissait ne rien entendre ni voir de ce qui se passait à l’entour ; le major était encore ivre. Nous bûmes plusieurs tasses de thé auprès du feu, et puis nous nous glissâmes, comme des criminels, dans le froid malfaisant de la nuit. Car le temps avait décidément changé ; et à la pluie avait succédé une terrible gelée. La lune nouvelle s’était levée déjà quand nous sortîmes ; de toutes parts elle étincelait et se reflétait sur des milliers de petits glaçons. On aurait eu peine à concevoir une nuit moins engageante pour un voyage. Mais au cours de l’après-midi les chevaux avaient eu le temps de se reposer, et le cocher se faisait fort de nous conduire sans mésaventure. Cet homme, qui se nommait King, valait d’ailleurs mieux que sa mine. Il avait surtout une sagacité remarquable pour tout ce qui concernait le soin des chevaux ; et le fait est que je ne me rappelle pas l’avoir trouvé en faute une seule fois pendant les journées où, par petites étapes, il nous a traînés à travers les campagnes anglaises.

L’intérieur de l’engin de torture où nous étions installés était garni de deux bancs qui en remplissaient presque tout l’espace. La porte se referma sur nous, nous eûmes l’impression de faire un plongeon dans les ténèbres, et nous sentîmes que les chevaux nous emportaient hors de