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Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/164

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et que vous vous rendiez en France, en Amérique, ou, de préférence encore, dans l’île de Madagascar !

— Permettez-moi de vous objecter deux mots sur ce point ! hasardai-je.

— Pas même une syllabe ! répliqua-t-il. Il n’y a pas ici lieu à discussion. Le cas est des plus simples. Dans la position abominable où vous êtes parvenu à vous placer, votre seule chance consiste à gagner du temps. Peut-être un jour viendra-t-il où vous pourrez faire mieux : en ce moment, tout autre parti que la fuite signifierait pour vous la potence.

— Vous vous trompez sur mes intentions, monsieur Romaine ! dis-je. Je ne suis nullement impatient de comparaître en justice ; au contraire, je suis tout aussi désireux que vous d’ajourner le plus possible l’instant où j’y comparaîtrai. Mais, d’autre part, je ne suis pas disposé à quitter ce pays avant d’y avoir réglé encore certaines affaires. J’ai de l’invention, un accent anglais suffisant et, grâce à la générosité de mon oncle, autant d’argent que j’ai besoin d’en avoir. J’ose estimer que, avec tous ces avantages, le comte Anne de Saint-Yves peut prolonger de quelque temps son séjour dans ce royaume, pendant que les autorités s’occupent vaguement à rechercher le soldat Champdivers. Vous oubliez qu’il n’y a aucun lien entre ces deux personnages !

— Et vous, vous oubliez votre cousin ! répliqua Romaine. Le lien, c’est lui qui l’est ! Il sait, lui, que vous êtes Champdivers. »

M. Romaine s’arrêta un moment, et tendit l’oreille.

« Et, pour comble de chance, le voici lui-même ! » s’écria-t-il.

En effet, de l’avenue arrivait à nos oreilles le bruit vif d’un carrosse, approchant au galop de quatre chevaux.

« Oui, dit M. Romaine, voilà bien sa façon de conduire ! C’est ainsi qu’il tue ses chevaux et sème l’argent, pour le plaisir d’arriver où ? Hé ! d’arriver enfin à la prison pour dettes, si ce n’est pas à la prison des criminels d’État !