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que moi : d’une beauté pittoresque, exubérante, toute en poses, en profils, en impudence. Je me le représentais paradant sur un champ de courses, ou encore se promenant de long en large sous les galeries du Palais-Royal, lorgnant les femmes, et lorgné lui-même avec admiration par les portefaix. Quant à sa disposition d’esprit en cet instant, son visage m’en offrait une peinture vivante. Ce visage était d’une pâleur livide, avec, sur les lèvres, un sourire apprêté, une sorte de ricanement, éhonté et méchant.

Le personnage me toisa de haut en bas, puis s’inclina et ôta son chapeau.

« Mon cousin, je présume ? me dit-il.

— Il paraît que j’ai cet honneur ! répondis-je.

— Tout l’honneur est pour moi fit-il, et sa voix tremblait tandis qu’il disait cela.

— Je crois qu’il est de mon devoir de vous souhaiter la bienvenue ! hasardai-je.

— Et pourquoi donc ? demanda-t-il. Cette maison a, depuis longtemps, été la mienne. Que vous preniez dès maintenant sur vous les devoirs d’un hôte, je n’en vois pas la nécessité. Croyez-moi, le rôle me sied mieux qu’à vous ! et, soit dit en passant, j’ai à vous offrir mon petit compliment ! C’est pour moi une agréable surprise de vous trouver costumé en gentilhomme, et de voir, ajouta-t-il en promenant ses regards sur les banknotes du tapis, — que votre misère ait déjà été si généreusement soulagée ! »

Je m’inclinai avec un sourire qui n’était pas moins haineux que le sien.

« Il y a des misères de diverses sortes en ce bas monde ! répondis-je. La charité est forcée de faire un choix. L’une se trouve soulagée, tandis que l’autre, de date plus récente, est condamnée à s’aggraver encore !

— La malice est un trait bien charmant ! fit-il.

— Comme aussi l’envie, j’imagine ! » répondis-je.

Mon beau cousin eut-il le sentiment que cette passe