« Bas les mains ! l’entendis-je balbutier.
— Et maintenant, poursuivit le notaire de sa même voix implacable, vous pouvez vous rendre compte de la position où vous êtes placé et de la prudence que cette position vous impose dans votre conduite à l’avenir. Votre arrêt ne tient, si je puis m’exprimer ainsi, qu’à un cheveu. Voyez donc bien à marcher droit : car je ne cesserai pas d’avoir l’œil sur vous, et, au premier doute, j’agirai ! »
Il aspira une longue prise de tabac, ses petits yeux fixés sur l’homme qu’il torturait.
« Enfin, reprit-il, laissez-moi vous rappeler que votre carrosse est à la porte ! Cet entretien agite Sa Seigneurie, je pense qu’il n’a rien d’agréable pour vous à mon avis, il n’y a pas de nécessité à le prolonger davantage. Je sais qu’il n’entre pas dans les vues de monsieur le marquis que vous dormiez une nuit de plus sous ce toit ! »
Alain se retourna et sortit de la chambre, sans dire un mot, sans faire un signe. Je ne tardai pas à le suivre, toujours avec un vague désir de lui témoigner, sinon ma sympathie, du moins la pitié bien sincère que j’éprouvais pour lui.
Appuyé sur la rampe de l’escalier, j’entendis les pas rapides de mon cousin, dans cette grande salle qui avait été remplie de domestiques pour accueillir sa venue, et qui maintenant était vide, le laissant partir sans un adieu. Un moment après, tout l’escalier trembla et l’air siffla à mes oreilles, sous le coup violent donné par Alain à la porte d’entrée, pour la refermer derrière lui. La fureur de ce coup aurait suffi pour me fournir une mesure du degré des passions diverses qui s’agitaient en lui. Et moi, de tout mon cœur, j’étais avec lui ; je songeais qu’à sa place j’aurais eu plaisir à écraser sous cette porte mon oncle, le notaire, moi-même, et toute la foule de ceux qui venaient d’être les témoins de son humiliation.