— Comme tout à l’heure ? répétai-je.
— Absolument ! Tout ce que j’ai dit à votre cousin n’était, hélas ! que paroles en l’air. Je l’ai menacé de le faire arrêter : mais comment le pourrais-je ? Votre oncle a brûlé tous les papiers qui le compromettaient. Je vous l’ai déjà dit, d’ailleurs, — vous l’aurez sans doute oublié, le jour où je vous ai vu dans votre prison. Ce fut, de la part du marquis, un acte de générosité, à mon avis bien regrettable. « Cela comptera comme son héritage ! » m’affirmait en plaisantant votre oncle, pendant qu’il brûlait ces papiers dans la cheminée. Et, ma foi, je me demande si, en fin de compte, la destruction de ces papiers ne va pas avoir vraiment toute la valeur d’un héritage pour votre maudit cousin !
— Je vous demande mille pardons, cher monsieur, mais il me semble que vous avez… dirai-je l’indécence ?… de paraître abattu et découragé ?
— Hélas ! répondit-il, je ne me borne pas à le paraître ! Je suis découragé. Je le suis absolument. Je me sens désarmé contre ce misérable.
— En vérité ? m’écriai-je. Et voilà sans doute pourquoi vous avez gorgé ce misérable de toute sorte d’insultes ! Voilà pourquoi vous avez si soigneusement travaillé à me pourvoir de ce dont, dans les conjonctures actuelles, j’avais si peu besoin : un nouvel ennemi ! C’est parce que vous étiez désarmé contre lui ! Monsieur Romaine, je vous avoue que je n’arrive pas à deviner le motif de cette étrange conduite !
— Et cela ne m’étonne pas ! répondit-il. Le fait est que toute cette affaire a été des plus étranges, et que je m’estime encore trop heureux de ne pas m’en être plus mal tiré. Mais vous auriez tort d’y chercher aucune trahison de ma part à votre endroit, monsieur Anne, vous auriez tout à fait tort ! Voyez-vous, le point essentiel était en ceci : que votre cousin, par, miracle, n’avait pas encore lu le journal où l’on parlait de vous. Mais qui pouvait dire quand il le lirait ? Ce maudit journal, il l’avait peut-être