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de tenir ça en main !… Mais je vous demande pardon, monsieur Anne ! » — ajouta-t-il, échangeant une fois de plus, à mon grand amusement, son abandon de gamin tout frais sorti de l’école pour l’attitude correcte et respectueuse du serviteur de grande maison.

L’allusion aux menottes n’était pas pour me mettre bien à l’aise. Et peut-être employai-je plus de rudesse que ce n’était nécessaire pour blâmer Rowley de son lapsus à propos de mon nom.

« Oui, monsieur Ramornie ! dit le pauvre garçon en portant la main à son chapeau. Je vous demande bien pardon, monsieur Ramornie ! Mais j’ai toujours fait grande attention jusqu’à présent, monsieur, et j’en ferai plus encore à l’avenir ! Ce n’était qu’une petite erreur de ma langue !

— Mon bon ami, répondis-je avec la sévérité la plus imposante, il ne doit plus y avoir de ces erreurs ! Ayez la bonté de vous rappeler que ma vie est en jeu ! »

Je ne saisis point l’occasion pour dire à Rowley combien j’avais commis, moi-même, de pareilles erreurs. J’ai pour principe qu’un officier ne doit jamais avoir tort. En Espagne, naguère, j’avais vu toute une division s’épuisant, pendant quinze jours, contre une place forte imprenable, et dont la prise, d’ailleurs, n’aurait pu nous servir de rien ; nous faisions cela parce qu’un général nous l’avait d’abord ordonné et puis ne pouvait pas se décider à retirer son ordre ; et je me souviens que nous étions tous remplis d’admiration pour la force de caractère qu’il nous montrait par là. Encore les soldats sont-ils souvent des êtres raisonnables ; tandis que la nécessité de ne pas reconnaître son tort est infiniment plus grande avec les fous et avec les enfants ; or Rowley appartenait à cette catégorie. Je me proposai donc d’être, avec lui, infaillible. Et même, lorsqu’il en vint à exprimer un peu de surprise en apprenant l’achat de la chaise lie-de-vin, je le remis à sa place le plus promptement du monde. Je lui dis que, dans notre situation, nous devions tout sacrifier