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— Désolant ? c’est-à-dire que c’est à en perdre la tête ! s’écria-t-il, avec un regard de terreur mortelle vers le bas de la route.

— Le père, sans doute, doit être fâché ? poursuivis-je poliment.

— Ah ! je vous crois ! fit le butor. Bref, comme vous le voyez, il faut que nous sortions de là ! Et je vais vous dire, ça peut vous sembler raide, mais la nécessité n’a pas de loi. Si vous vouliez nous prêter votre chaise jusqu’au prochain relai de poste, eh bien ! monsieur, ça ferait tout à fait notre affaire !

— J’avoue que cela me paraît un peu raide, répondis-je ; mais, en outre, cela me paraît inutile. Je crois que la chose pourrait être arrangée autrement, d’une façon plus satisfaisante encore. Vous savez monter à cheval, sans doute ? »

Ma question sembla rouvrir une porte sur le sujet même de leur querelle, et le personnage se montra devant moi avec ses vraies couleurs.

« Hé ! c’est justement ce que je lui disais, fit-il, en désignant sa compagne. Par tous les diables, je voulais qu’elle montât à cheval ! Et puisque monsieur est du même avis, eh bien ! tant pis, vous monterez quand même ! »

Ce que disant, il voulut l’empoigner par le bras ; elle se dégagea avec horreur.

Je crus devoir m’interposer.

« Non, monsieur, dis-je, cette dame ne montera pas à cheval ! »

Furieux, il se retourna vers moi.

« Et qui êtes-vous pour vous mêler de nos affaires ? mugit-il.

— Il ne s’agit pas de savoir qui je suis, répondis-je. Le fait est que je puis vous venir en aide, ce que personne autre ne peut. Et voici comment : j’ai l’intention de le faire : je vais offrir à madame un siège près de moi dans ma chaise, et vous permettrez à mon valet de monter sur l’un de vos chevaux ! »