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dois ! Une poignée de mains, s’il vous plaît, monsieur ! Vous êtes un Français, c’est possible, mais en tout cas vous êtes de la bonne espèce, par Dieu ! Et, par Dieu, monsieur, je vous autorise à me demander tout ce que vous voudrez, jusqu’à la main de Dolly, par Dieu ! »

Il criait tout cela d’une voix étonnamment puissante de la part d’un aussi petit homme. Chacune de ses paroles fut donc nettement entendue des serviteurs de la maison, aussi bien que de Rowley et des trois postillons debout dans la cour. Les sentiments exprimés dans le discours étaient populaires ; je ne sais quel âne proposa trois hourras, qui furent aussitôt proférés en mon honneur. D’entendre mon nom de famille retentir, parmi des acclamations, sur les collines du Westmoreland, c’était, à coup sûr, chose flatteuse ; mais c’était aussi chose assez peu de circonstance à un moment où (comme j’en avais la conviction) des affiches de police couraient à ma poursuite avec une vitesse de cent milles par jour.

Et ce n’était pas tout. L’archi-doyen tint à me présenter ses compliments et puis à me faire goûter de son sherry des Indes. J’eus à me laisser conduire dans une vaste bibliothèque, où je fus présenté à la femme de l’éminent dignitaire. Et, pendant que nous buvions le sherry, à la bibliothèque, de l’ale était distribuée aux figurants dans la cour. Il y eut encore des toasts, des poignées de mains. Miss Dorothée (sur l’ordre de son père) me donna un baiser d’adieu, et toute la société me reconduisit jusqu’à la grand’porte, où elle se tint jusqu’à ce que notre voiture eût disparu de l’horizon, agitant des chapeaux et des mouchoirs et criant des adieux à tous les échos des montagnes.

Et les échos des montagnes, pendant ce temps, me murmuraient à l’oreille : « Imbécile, te voilà bien loti ! »

« On dirait qu’ils ont eu connaissance de votre nom, monsieur Anne ! dit Rowley. Ça n’a pas été par ma faute, cette fois !

— C’est un de ces accidents qu’on ne peut pas prévoir,