Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/218

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répondis-je, affectant une sécurité que j’étais loin d’éprouver. Quelqu’un m’a reconnu !

— Et qui est-ce qui vous a reconnu, monsieur Anne ? demanda le coquin.

— Laissez-moi donc tranquille avec vos questions ! Qu’est-ce que cela peut bien vous faire ? répliquai-je.

— Mais, à présent, comment allons-nous nous arranger avec celui-ci ? poursuivit Rowley en me désignant le postillon. Il vous a pris ce matin en qualité de M. Ramornie, et voilà qu’il vous retrouve sous la forme de M. Saint-Yves ! Que va-t-il penser de tout cela, mais surtout que va-t-il en faire ? voilà ce qui m’inquiète, monsieur !

— Corbleu ! Voulez-vous me laisser tranquille ? m’écriai-je. J’ai à réfléchir.

— Je vous demande bien pardon, monsieur Anne ! » dit Rowley. Et un moment après : « Ne voudriez-vous pas faire un peu de français, monsieur Anne ?

— Certainement non ! répondis-je. Jouez donc plutôt de votre flageolet ! »

Ce qu’il fit, mais avec des rythmes qui me parurent pleins d’ironie.

J’ôtai mon habit et me mis à le recoudre, à la manière du soldat, avec du gros fil et une grosse aiguille. À mesure que je cousais, je commençais à voir clair dans ma situation. Tout de suite, à n’importe quel prix, j’avais à me débarrasser de la chaise lie-de-vin. Je la vendrais au premier relai ! Et puis Rowley et moi continuerions notre route sur nos quatre pieds jusqu’à quelque autre endroit assez éloigné, où nous prendrions la diligence d’Édimbourg, sous d’autres faux noms. Tant de tracas, de soucis et de fatigues, un tel supplément de risques et de dépenses, et de perte de temps, et tout cela pour un mot de trop dit à une petite dame en bleu !