IX
L’aubergiste de Kirkby-Lonsdale.
J’avais, jusqu’alors, conçu et en partie réalisé un idéal qui me plaisait fort. À chaque étape, Rowley et moi descendions de notre chaise comme deux jeunes gens du meilleur monde, un maître et son valet, correctement vêtus, insouciants et, selon la mode anglaise la plus distinguée, profondément dédaigneux de leur entourage. Aussi m’en coûtait-il bien, ce jour-là, en arrivant à l’auberge de Kirkby-Lonsdale, de songer que cette scène aurait à être jouée là pour la dernière fois. Encore n’avais-je aucune idée de la triste façon dont elle aurait à y être jouée !
J’avais décidément été trop généreux avec les postillons de M. Bellamy. Mon propre postillon se tenait à présent devant moi, la main ouverte. Je vis tout de suite qu’il s’attendait à un pourboire extraordinaire, et que, étant données les circonstances, je devais, moi aussi, me comporter avec lui d’une autre façon que je ne le faisais d’ordinaire avec ses pareils. Restait seulement à savoir ce que je devais faire. Donner trop peu risquait de mécontenter ; donner trop risquait de paraître acheter le silence. À tout hasard, je mis dans la main du postillon une pièce d’une guinée ; c’était beaucoup, mais la somme ne fit que stimuler la cupidité du coquin.
« Dites donc, monsieur, vous n’allez pas me renvoyer avec un pourboire comme celui-là ? s’écria-t-il. Vous ou-