de mon Andromède, je savais par quelle miraculeuse bonne fortune elle était située au rez-de-chaussée, sur le flanc du cottage, et hors de portée d’ouïe du redoutable dragon. Il ne me restait donc qu’à tirer parti de mes connaissances. J’étais en ce moment au fond du jardin, où j’avais fini par aller (que Dieu me protège !) pour me réchauffer ; car, du moins, je pouvais y marcher de long en large sans y être entendu. La bourrasque s’était peu à peu apaisée : le vent avait cessé, le bruit même de la pluie s’était allégé, et j’entendais surtout, à présent, la chute lente des gouttes découlant des arbres. C’est au milieu de ce demi-silence que vint à moi, tout à coup, le son grinçant d’une fenêtre qu’on ouvrait ; je m’avançai de quelques pas et aperçus un long jet de lumière se profilant sur le noir. Il venait de la fenêtre de Flora, qu’elle venait d’ouvrir toute grande, dans la nuit, et où maintenant elle venait de s’asseoir, rose et pensive, sous la lueur de deux chandelles brûlant au fond de la chambre. Elle s’était interrompue, tout à coup, dans sa toilette de nuit ; ses cheveux dénoués ombrageaient son visage ; d’une main elle tenait un peigne, au repos, de l’autre elle s’était paresseusement appuyée à l’un des barreaux de fer qui protégeaient la fenêtre.
Marchant sur le gazon, et favorisé par le murmure de la pluie, qui avait recommencé à tomber, je pus m’approcher de Flora sans qu’elle m’entendît. J’étais de l’autre côté de sa fenêtre, dans l’ombre, j’aurais pu la toucher. Mais je n’avais point le courage d’interrompre sa rêverie. Debout derrière elle, je la buvais des yeux. Je voyais comment la lumière lui faisait, de ses cheveux, une sorte d’auréole, j’admirais mille nuances délicieusement variées, dans l’or de sa chevelure, dans le rose de sa chair, entre la joue et le cou. Et, d’abord, elle me parut si belle, avec tant de noblesse et de raffinement, que je me sentis un peu découragé. Mais, à mesure que je m’enchantais à la contempler, l’espoir et la vie renaissaient en moi ; j’oubliais le poids accablant des vêtements mouillés dont j’étais chargé ; un sang nouveau me coulait dans les veines.