céleste, Goguelat a osé l’insulter. Souvent déjà il m’avait insulté moi même, c’était son passe-temps favori : il pouvait m’insulter à son aise. Mais si j’avais toléré son insulte à cette jeune dame, jamais ensuite je ne me le serais pardonné. Nous nous sommes donc battus, et il est tombé ; et certes j’ai beaucoup de regret de l’avoir tué, mais je n’en ai point de remords ! »
Avec une anxiété toute frémissante, j’attendis une réponse. Ce que j’avais de pire à avouer était dit maintenant ; mais je ne me sentais pas la force de poursuivre mon récit sans avoir reçu au moins une ombre d’encouragement.
« Vous me blâmez ? hasardai-je enfin.
— Non, certes ! C’est un point dont je ne puis parler, je ne suis encore qu’une petite fille ! Mais je suis sûre que vous étiez dans votre droit. Je l’ai toujours dit… à Ronald. Pas à ma tante, naturellement ! Ma tante, je suis forcée de la laisser parler comme elle veut. Non, vous ne devez pas me croire une amie déloyale ! Même avec le major, je prends votre défense — je ne vous ai pas dit qu’il était devenu de nos amis : le major Chevenix, bien entendu ; — il s’est pris d’une telle amitié pour Ronald ! C’est lui qui nous a apporté la nouvelle de l’arrestation de ce maudit Clausel, et de tout ce dont on vous accusait. J’ai été furieuse. Sur quoi, m’ayant abordée dans un coin, le major a eu la bonté de me dire que vous étiez innocent. « Mais, a-t-il ajouté, nous sommes les deux seuls à le croire. À quoi bon parler ? » Oh ! je dois dire qu’il s’est montré tout à fait gentil, le major Chevenix ! »
Ces mots me donnèrent une crise de jalousie féroce. Je me rappelai la première fois que le major avait vu Flora, l’intérêt qu’il avait aussitôt paru concevoir pour elle ; et je ne pus qu’admirer la façon dont l’animal avait su tirer parti de ce qu’il me connaissait pour me supplanter. Tout est de bonne guerre à l’amour, comme à la guerre. Mais je n’en étais pas moins exaspéré ; et j’avais d’autant plus hâte d’achever de me justifier aux yeux de Flora. En