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de la porte. La lumière qui affluait du dedans me permit de déchiffrer l’inscription : Le Repos du Chasseur, tenu par Alexandre Hendry. Porter, Ale, Spiritueux. On loge à la nuit.

Mon premier coup sur la porte interrompit la musique et une voix vacillante me demanda, du dedans :

« Qui va là ? »

À quoi je répondis :

« Un honnête voyageur ! »

Immédiatement après, les barreaux de la porte furent tirés par quatre ou cinq jeunes gens d’une taille démesurée, tous très convenablement mis et étonnamment ivres ; l’un d’eux, qui paraissait d’ailleurs le plus ivre de tous, portait une chandelle dont il arrosait, au hasard, les vêtements de ses compagnons.

C’est avec une bonté pleine d’incohérence qu’ils m’accueillirent, et écoutèrent l’histoire, hâtivement improvisée, que je leur débitai ; après quoi ils me poussèrent jusque dans la pièce où ils se tenaient, un petit salon de taverne, avec un admirable feu dans la cheminée et, sur le plancher, une quantité plus admirable encore de bouteilles vides ; et ils m’apprirent que j’étais devenu, par le fait, de cette réception, membre temporaire du Club des Six Pieds de Haut, société athlétique de jeunes gens de bonne famille. Ils me firent comprendre que je les avais surpris au milieu d’une « séance de boisson de toute une nuit », succédant à une « marche de toute une journée » ; et que tous les membres du club comptaient bien être sur pied, et « en règle comme une pièce de vingt sous » pour le service divin de midi, à l’église la plus voisine.

Je dois ajouter que bien que six pieds de taille eussent suffi pour donner le droit d’être membre du club, tous mes nouveaux amis dépassaient de beaucoup cette taille minimum ; de telle sorte que je retrouvais, en face d’eux, mes sensations d’enfance, et me demandais involontairement ce que toutes ces grandes personnes allaient bien faire de moi. Mais les Six Pieds, s’ils étaient très ivres,