Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le but de sa promenade, et nous avons couru par l’autre versant pour y arriver avant la police. Tenez, d’ailleurs, regardez ! » ajouta-t-il en étendant la main.

Je regardai, et fus convaincu. Au sommet de la colline, apparaissait une longue figure en manteau gris, que suivait de près mon ami au gilet de moleskine. En dix minutes le couple pouvait nous rejoindre.

« Messieurs, dis-je au major et à Ronald, je vois que je vous dois des remerciements ! En tout cas, votre visite était le fait d’une bonne intention !

— Nous faisons tout cela par égard pour miss Gilchrist ! » répliqua aigrement le major.

Mais, au même instant, Ronald, d’une voix où vibrait tout son bon petit cœur :

« Vite, vite, Saint-Yves ! Coupez par le sentier de la carrière ! Nous ferons notre possible pour retarder ces gens-là !

— Je vous remercie mille fois, mon cher ami ; mais il m’est venu une autre idée. Flora, dis-je ensuite en prenant la main de ma bien aimée, nous allons nous séparer ! Les cinq minutes qui vont suivre auront pour moi une importance décisive. Soyez brave, mon trésor ! Et que vos pensées m’accompagnent jusqu’à ce que je revienne !

— Où que vous soyez, je penserai à vous ! Quoi qu’il vous arrive, je vous aimerai ! Courez, Anne, et que Dieu vous protège ! »

Sa poitrine frémissait, et une rougeur, faite à la fois de tendresse et d’un peu de gêne, colorait son front.

« Vite ! » crièrent une dernière fois Ronald et elle.

Je baisai sa main et m’élançai au bas de la colline.

Bientôt j’entendis un grand cri derrière moi ; je me retournai, et vis que mes poursuivants m’avaient aperçu. Ils étaient trois, à présent, mon estimable cousin s’étant joint en personne à ses chiens de chasse. Je sautai un ruisseau, et me précipitai vers l’entrée de l’enclos où avait lieu « l’expérience ». Un gros homme tout endormi, assis sur un petit banc à trois pieds, recevait et délivrait les cartes