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ment. La descente du quatrième fut un simple jeu d’enfant ; et lorsque je vis que dix de nous se trouvaient réunis au pied du rocher, je crus pouvoir penser à moi.

Les prisonniers, qui s’étaient procuré une carte de la côte, avaient l’intention de se rendre à Grangemouth, et d’y voler un bateau. Mais, à supposer qu’ils y parvinssent, aucun d’eux ne savait au juste ce qu’il y aurait à faire, une fois sur le bateau. En vérité tout ce projet d’évasion était l’aventure la plus hasardeuse qu’on pût imaginer ; seules, l’impatience de prisonniers et l’ignorance de grossiers paysans pouvaient avoir produit un plan aussi informe ; et bien que, par bonne camaraderie, j’eusse pris ma part de l’élaboration du plan comme de son exécution, je crois bien que, sans la visite du notaire, j’aurais fini par laisser partir mes compagnons, ou tout au moins par essayer de les retenir au dernier moment. Mais maintenant je ne pouvais plus leur être d’aucun secours, pas même pour les conseiller : car il y avait toujours eu entre eux et moi une différence d’origine et d’éducation qui m’avait empêché d’exercer la moindre influence sur eux. Sans rien dire, par peur du bruit qu’aurait risqué de produire une explication, je sortis du groupe et m’éloignai. Je m’étais d’abord proposé de rester jusqu’à la descente de Leclos, pour dire encore adieu à cet excellent homme ; mais je précipitai mon départ lorsque, dans le dernier homme qui venait de descendre, je crus reconnaître Clausel. Car, depuis la scène de la chambrée, je me méfiais tout particulièrement de cet homme, le croyant capable des pires infamies ; et le fait, depuis, ne m’a que trop prouvé la justesse de mon pressentiment.