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— Quel est ce pâté ? s’écria-t-elle d’une voix stridente. Flora, d’où vient ce pâté ? »

Aucune réponse ne sortit de la bouche de mes infortunés complices.

« Est-ce mon porto ? poursuivit-elle. Ah ! vraiment ! Quelqu’un voudrait-il au moins m’offrir un verre de mon vin de Porto ? »

Je m’empressai de la servir.

Elle me considéra, par-dessus le rebord du verre, avec une expression imprévue.

« J’espère que vous l’aurez trouvé bon ? dit-elle.

— C’est un vin magnifique ! déclarai-je.

— Eh bien ! c’est mon père qui l’a mis en bouteilles ! dit-elle. Peu de gens s’entendaient aussi bien à apprécier le vin de Porto que mon père ; que Dieu ait son âme ! »

Ce que disant, elle s’installa sur une chaise, avec un air de résolution quelque peu alarmant.

« Et y a-t-il une direction particulière où vous désirez aller ? demanda-t-elle.

— Oh ! répondis-je, je ne suis pas un vagabond aussi errant que vous pouvez le supposer. J’ai de bons amis, pourvu seulement que je puisse parvenir jusqu’à eux ; mais tout d’abord il faut que je sorte de l’Écosse. Et j’ai aussi de l’argent, pour la route ! ajoutai-je en produisant ma liasse.

— Des banknotes anglaises ? dit-elle. Vous savez qu’elles n’ont pas cours en Écosse ? C’est quelque fou d’Anglais qui vous les aura données, j’imagine ? Combien ça fait-il ?

— Ma parole d’honneur ! je n’ai pas encore songé à les compter ! m’écriai-je. Mais ma négligence va être vite réparée ! »

Je comptai dix billets de dix livres et cinq billets de cinq guinées.

« Cent vingt-six livres sterling et cinq shillings ! fit la vieille dame. Et vous portez une somme pareille sur vous, et vous ne l’avez seulement pas comptée ! Si vous n’êtes pas un voleur, vous devez au moins reconnaître que vous avez bien l’air d’en être un !