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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/130

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sera-t-il de même de l’individualité ? N’est-elle, elle aussi, qu’un essai de conciliation ?

À quelque principe que je me sois adressé, à celui de la Raison, par exemple, j’ai toujours été finalement obligé de le rejeter. Ou bien puis-je être perpétuellement raisonnable et régler en toutes choses ma vie sur la raison ? Je puis m’efforcer d’être raisonnable, je puis aimer la raison, comme je puis aimer Dieu ou toute autre idée. Je puis être philosophe, être l’amant de la sagesse comme je suis l’adorateur de Dieu. Mais l’objet de mon amour et de mes aspirations n’existe que dans mon esprit, dans mon imagination, dans ma pensée ; il est dans mon cœur, dans mon cerveau, il est en moi, comme mon cœur est en moi, mais il n’est pas moi et je ne suis pas lui.



Ce qu’on entend sous le nom d’influence morale est tout spécialement du ressort des esprits sacerdotaux.

L’influence morale commence où commence l’humiliation ; elle n’est que cette humiliation même, sous laquelle l’orgueil, forcé de plier ou de rompre, fait place à la soumission. Lorsque je crie à quelqu’un de s’éloigner d’un rocher prêt à sauter, je n’exerce sur lui par cet avertissement aucune influence morale. Si je dis à l’enfant : « Tu auras faim si tu ne veux pas manger de ce qui est sur la table », il n’y a là non plus rien qui ressemble à l’ « influence morale ». Mais si je lui dis : « Il faut prier, honorer père et mère, respecter le crucifix, dire la vérité, etc. ; car cela est humain, car tel est le devoir de l’homme, ou mieux encore la volonté de Dieu », j’aurai cette fois exercé sur lui une action morale. C’est grâce à cette pédagogie morale que l’homme se pénètre de la mission de l’homme, qu’il devient humble et obéissant, et qu’il soumet sa volonté à une volonté étrangère qui lui est imposée comme la règle et la loi ; il