Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/133

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et que le croyant seul peut en explorer les profondeurs. Il n’y a que l’organe de l’homme capable de produire le souffle qui puisse aussi parvenir à jouer de la flûte, et il n’y a que l’homme possédant le véritable organe de la vérité qui puisse participer à la vérité. Celui dont la pensée n’atteint que le sensible, le positif, le concret ne saisira non plus dans la vérité que son apparence concrète ; or, la vérité est esprit, fondamentalement immatérielle, et n’est, par conséquent, du ressort que de la « conscience supérieure », et non de celle qui « n’est ouverte qu’aux choses de la terre ».

Luther met donc en lumière ce principe que la Vérité, étant pensée, n’existe que pour l’homme pensant. Et cela revient à dire que l’homme doit simplement se placer, désormais, à un point de vue différent, au point de vue céleste, croyant, scientifique, au point de vue du penser en face de son objet, la pensée, ou de l’Esprit en face de l’Esprit. L’égal seul reconnaît l’égal. « Tu es l’égal de l’Esprit que tu comprends *. »

Le Protestantisme ayant abattu la hiérarchie du Moyen Âge, cette opinion put s’enraciner que toute hiérarchie, la hiérarchie en général, avait été par lui détruite, et on put ne pas s’apercevoir qu’il avait été justement une « Réforme », c’est-à-dire la remise à neuf de la hiérarchie vieillie. Cette hiérarchie du Moyen Âge n’avait jamais été qu’infirme et débile, car elle avait été obligée de tolérer autour d’elle toute la barbarie des profanes ; il fallut la Réforme pour retremper les forces de la hiérarchie et lui donner toute son inflexible rigueur.

« La Réforme, dit Bruno Bauer, fut avant tout le divorce théorique du principe religieux avec l’Art, l’État et la Science, c’est-à-dire son affranchissement vis-à-vis de ces puissances auxquelles il avait