Aller au contenu

Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un subterfuge cette inégalité des personnes que nous avons voulu abolir ? Non, il faut au contraire achever la besogne qui n’a été qu’à moitié faite. Il manque encore à notre liberté vis-à-vis des personnes la liberté vis-à-vis de ce qui leur permet d’opprimer celle d’autrui, de ce qui est le fondement de la puissance personnelle, c’est-à-dire la liberté vis-à-vis de la « propriété personnelle ». Supprimons donc la propriété personnelle. Que nul ne possède plus rien, que chacun soit un — gueux. Que la propriété soit impersonnelle, qu’elle appartienne à la — Société.

Devant le Maître suprême, l’unique commandant, nous étions tous devenus égaux, nous étions tous devenus des personnes égales, c’est-à-dire des zéros.

Devant le Propriétaire suprême, nous devenons tous des — gueux égaux ; jusqu’à présent on pouvait n’être, à côté de son voisin, qu’un « gueux », un « pauvre diable » : désormais toute distinction s’efface, tous étant des gueux, et la Société communiste se résume dans ce qu’on peut appeler la « gueuserie » générale.

Quand le prolétaire aura réussi à réaliser la « Société » qu’il a en vue, et dans laquelle doit disparaître toute différence entre riche et pauvre, il sera un gueux ; mais être un gueux est pour lui être quelque chose, et il pourrait faire de ce mot « gueux » un titre aussi honorable qu’est devenu le titre de « bourgeois » grâce à la Révolution. Le gueux est son idéal, et nous devons devenir tous des gueux.

Tel est le second vol fait à la « personnalité » au profit de l’« humanité ». On ne laisse à l’individu ni le droit de commander ni le droit de posséder : l’État prend l’un, la Société prend l’autre.

La société actuelle présentant les inconvénients les plus choquants, ceux qui ont le plus à en souffrir, c’est-à-dire les membres des régions inférieures de la société, en sont aussi le plus frappés, et ils croient pouvoir attribuer tout le mal à la société elle-même ;