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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/184

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le contraire : l’œuvre de Gutenberg n’est pas restée isolée, elle a engendré une innombrable postérité, et elle est encore aujourd’hui bien vivante ; elle répondait à un besoin de l’humanité, aussi est-elle éternelle, impérissable.

La conscience humanitaire méprise aussi bien la conscience du bourgeois que celle du travailleur : le bourgeois « s’indigne » contre les vagabonds (tous ceux qui n’ont pas une position stable) et leur « immoralité » ; le travailleur « est révolté » par les « fainéants » et leurs maximes « immorales » parce que antisociales et exploiteuses. L’Humanitaire leur répond : Le manque d’établissement de la plupart est ton œuvre, philistin ! Mais si toi, prolétaire, tu veux que tous se tuent à la besogne, si tu exiges que tous portent le bât, c’est que tu n’as été jusqu’ici qu’une bête de somme. Tu prétends en vérité, en nous condamnant tous aux travaux forcés, alléger la peine elle-même, mais c’est uniquement pour que tous disposent des mêmes loisirs. Et que feront-ils de ces loisirs ? Comment ta « Société » s’y prendra-t-elle pour que les loisirs ainsi conquis soient humainement employés ? Elle devra bien les abandonner comme une proie à l’égoïsme, et tout le bénéfice de ta société c’est l’égoïste qui l’accaparera. À quoi a abouti l’affranchissement de l’homme de tout bon plaisir personnel, cette conquête si vantée de la bourgeoisie ? L’État n’ayant pas pu donner à cette liberté une valeur humaine a dû l’abandonner à l’arbitraire.

Certes, il faut que l’homme n’ait pas de maître, mais il faut pour cela que l’égoïste ne redevienne pas son maître et qu’il soit, lui, le maître de l’égoïste. Il n’est pas moins nécessaire que l’homme jouisse de loisirs, mais si c’est l’égoïste qui détourne ces loisirs à son profit, ils seront perdus pour l’homme : aussi devez-vous donner aux loisirs une signification humaine. Mais votre travail même. vous autres ouvriers, vous ne vous y livrez que dans un but égoïste, parce que vous