Aller au contenu

Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec les autres en votre nom propre, et être les uns pour les autres — ce que vous êtes.

Le Critique le plus radical est précisément celui que frappe le plus cruellement la malédiction qui pèse sur son principe. À mesure qu’il se dépouille d’un exclusivisme après l’autre, et qu’il secoue successivement zèle religieux, patriotisme, etc., il dénoue un lien après l’autre et se sépare des dévots, des patriotes, etc. ; si bien que, finalement, tous les liens étant tombés, il se trouve — seul. Il est forcé de rejeter tout ce qui a quelque chose d’exclusif ou de privé, mais qu’est-ce qui peut être en définitive plus exclusif que l’exclusive, l’unique personne elle-même ?

Peut-être pense-t-il qu’il vaudrait mieux que tous devinssent des « hommes » et abandonnassent leur exclusivisme ? Mais « tous » ne signifie précisément rien d’autre que « chaque individu », de sorte que la contradiction reste aussi aiguë qu’auparavant, car chaque « individu » est l’exclusivisme même. Comme l’Humanitaire ne laisse plus à l’individu rien de privé ou d’exclusif, ni pensées privées ni sottise privée, il finit par le laisser complètement nu, car sa haine absolue et fanatique du privé ne permet à son égard aucune tolérance, tout privé étant essentiellement inhumain. L’Humanitaire est cependant impuissant à détruire la personne privée elle-même, car sa critique se briserait les dents avant d’entamer la dure écorce de la personnalité ; aussi est-il bien obligé de se contenter de déclarer que cette personne est une « personne privée » et de se résigner à lui rendre en réalité tout le domaine du privé.

Que fera la Société, si elle ne s’inquiète plus de rien de privé ? Va-t-elle rendre le privé impossible ? Non, mais elle « le subordonnera aux intérêts de la Société, et permettra par exemple aux volontés individuelles de s’accorder autant de jours de congé qu’elles le jugeront bon, pourvu que ces volontés individuelles