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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/211

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triomphants résultats de la Révolution ; il peut devenir la tête de la masse, son interprète par excellence. Aussi veut-il « combler l’abîme qui le sépare de la foule ». Il se distingue de ceux qui « prétendent élever les classes inférieures du peuple » en ce que ce n’est pas seulement elles, mais lui-même dont il doit apaiser les rancunes.

Toutefois, l’instinct ne le trompe pas, quand il tient la masse pour « naturellement opposée à la théorie » et lorsqu’il prévoit que « plus cette théorie prendra d’ampleur, plus la masse deviendra compacte ». Car le Critique ne peut, avec son hypothèse de l’Homme, ni éclairer ni satisfaire la masse. Si, en face de la Bourgeoisie, elle n’est déjà qu’une « couche sociale inférieure », une masse politiquement sans valeur, c’est en face de l’Homme, à plus forte raison, qu’elle va n’être plus qu’une simple « masse », un ramassis inhumain ou un troupeau de non-hommes.

Le Critique en arrive à nier toute humanité : parti de cette hypothèse que l’humain est le vrai, il se retourne lui-même contre cette hypothèse en contestant le caractère d’humanité à tout ce à quoi on l’avait jusqu’alors accordé. Il aboutit simplement à prouver que l’humain n’a d’existence que dans sa tête, tandis que l’inhumain est partout. L’inhumain est le réel, le partout existant ; en s’évertuant à démontrer qu’il n’est « pas humain », le Critique ne fait que formuler explicitement cette tautologie que l’inhumain n’est pas humain.

Quand l’inhumain se sera résolument tourné le dos à lui-même, que dira-t-il au critique qui le harcèle, avant de s’éloigner de lui sans s’être laissé émouvoir par ses objections ? Tu m’appelles inhumain, pourrait-il lui dire, et inhumain je suis en effet — pour toi ; mais je ne le suis que parce que tu m’opposes à l’humain, et je n’ai pu avoir honte de moi qu’aussi longtemps que je me suis laissé ravaler à ce rôle de repoussoir. J’étais méprisable parce que je