Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/236

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tentés de dire ou d’entendre quelque chose qui ébrècherait le crédit de ces « certains ».

S’ils vous donnent cependant la liberté, ce ne sont que des fripons qui donnent plus qu’ils n’ont. Ils ne vous donnent rien de ce qui leur appartient, mais bien une marchandise volée ; ils vous donnent votre propre liberté, la liberté que vous auriez pu prendre vous-mêmes, et s’ils vous la donnent, ce n’est que pour que vous ne la preniez pas et pour que vous ne demandiez pas, par-dessus le marché, des comptes aux voleurs. Rusés comme ils le sont, ils savent bien qu’une liberté qui se donne (ou qui s’octroie) n’est pas la liberté et que seule la liberté qu’on prend, celle des égoïstes, vogue à pleines voiles. Une liberté reçue en cadeau cargue ses voiles dès que la tempête s’élève — ou que le vent tombe ; elle doit toujours être poussée par une brise douce et modérée.

Ceci nous montre la différence entre l’auto-affranchissement et l’émancipation. Quiconque aujourd’hui « appartient à l’opposition » réclame à cor et à cri l’« émancipation ». Les princes doivent proclamer leurs peuples « majeurs », c’est-à-dire les émanciper ! Si par votre façon de vous comporter vous êtes majeurs, vous n’avez que faire d’être émancipés ; si vous n’êtes pas majeurs, vous n’êtes pas dignes de l’émancipation, et ce n’est pas elle qui hâtera votre maturité. Les Grecs majeurs chassèrent leurs tyrans et le fils majeur se détache de son père ; si les Grecs avaient attendu que leurs tyrans leur fissent la grâce de les mettre hors tutelle, ils auraient pu attendre longtemps ; le père dont le fils ne veut pas devenir majeur le jette, s’il est sensé, à la porte de chez lui, et l’imbécile n’a que ce qu’il mérite.

Celui à qui on a accordé la liberté n’est qu’un esclave affranchi, un libertinus, un chien qui traîne un bout de chaîne ; c’est un serf vêtu en homme libre comme l’âne sous la peau du lion. Des Juifs qu’on a émancipés n’en valent pas plus pour cela, ils