Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/246

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envers lesquelles on se comporte très libéralement en considération de leur insignifiance même.

On peut la nommer la religion d’État, la religion de l’ « État libre », non dans l’ancien sens de religion prônée et privilégiée par l’État, mais parce qu’elle est la religion que l’ « État libre » est non seulement autorisé mais obligé d’exiger de chacun des siens, qu’il soit d’ailleurs privatim juif, chrétien ou tout ce qui lui plaît. Elle joue dans l’État le même rôle que la piété dans la famille. Pour que la famille soit acceptée et maintenue telle qu’elle est par chacun de ceux qui en font partie, il faut que chacun d’eux tienne le lien du sang pour sacré, et qu’il prouve, envers ce lien de la piété, un respect qui sanctifie chacun de ses parents.

Quelle est l’idée la plus haute que l’État, puisse se proposer de réaliser ? C’est bien celle d’être une véritable Société humaine, une société dans laquelle puisse être admis comme membre quiconque est vraiment Homme, c’est-à-dire n’est pas non-homme. Si large que soit la tolérance d’un État, elle s’arrête devant le non-homme et devant l’inhumain. Et cependant ce « non-homme » est homme, cet inhumain est lui-même quelque chose d’humain, quelque chose de possible uniquement, à un homme et non à un animal, cet inhumain est un « possible humain ». Mais bien que tout non-homme soit un homme, l’État l’exclut de son sein ou l’emprisonne, et fait d’un hôte de l’État l’hôte d’une prison (d’une maison de fous ou d’une maison de santé, d’après le Communisme).

Il est facile de définir en termes sèchement techniques ce qu’on entend par un non-homme : c’est un homme qui ne correspond pas au concept Homme, comme l’inhumain est quelque chose d’humain qui ne coïncide pas avec l’ensemble d’attributs qui forment la notion d’humain. C’est là ce que la logique appelle une « tautologie ». Peut-on en effet émettre ce jugement